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PASSÉ QUOTIDIEN D'AUTREFOIS
28 juin 2020

Enfants abandonnés, enfants de la patrie

Un article complet et très bien illustré:

https://compediart.com/index.php/2019/04/01/ces-boites-ou-on-deposait-les-bebes-au-xixeme-siecle-les-tours-dabandon/

La fin du XVIIIème siècle et le début XIXème siècle sont marqués par une multiplication des abandons d’enfants à la naissance. Plusieurs raisons l’expliquent : tout d’abord, la détérioration de la situation économique,  puisqu’on observe que l’augmentation des abandons durant la seconde moitié du XVIIIème siècle coïncide avec la hausse de la mercuriale du prix du blé, ce procédé étant alors le seul moyen de limiter la taille des familles à une époque où la contraception n’existait pas et l’avortement n’était pas toléré.

Au total, on estime à 3 millions le nombre d’enfants abandonnés en France aux XVIIIème et XIXème siècle, un chiffre considérable pour un pays dont la population était de 27 millions d’habitants en 1800.

 Quel que soit le mode d’abandon, ce sont dès le XVIIIème siècle les hospices, ancêtres de nos hôpitaux modernes, qui prenaient en charge ces nouveaux-nés au début du XIXème siècle, environ 90% des enfants abandonnés dans les hospices y décèdent; à titre de comparaison, le taux de mortalité infantile était de 20% pour la population, illustrant bien les inégalités criantes entre les enfants abandonnés et ceux qui étaient élevés par leurs parents. Enfin, passé leur treizième année, les enfants abandonnés étaient envoyés chez des cultivateurs locaux, demeuraient travailler à l’hospice comme domestiques, ou bien parfois étaient même envoyés dans les colonies pour les peupler. Le symbole matériel de la marginalité sociale de ces enfants est le collier qu’ils doivent porter avec eux jusqu’à leurs treize ans.*

Afin d’éviter que ces enfants sans famille ne deviennent le terreau de la délinquance future, à partir de la Révolution française, l’État décida d’intervenir dans la prise en charge des petits abandonnés. La loi du 4 juillet 1793 en fait des « orphelins de la patrie » et instaure sur eux une tutelle administrative du préfet, tandis que sous le Directoire, la tutelle passe au maire de la commune de l’hospice, président de son conseil d’administration. Mais c’est sous Napoléon Ier que la prise en charge des enfants abandonnés est véritablement révolutionnée. En effet, l’Empereur a instauré  une législation familiale pour le moins sévère : d’une part le Code civil de 1804 interdit toute recherche de paternité, ce qui fait peser la charge des enfants illégitimes uniquement sur  les femmes, et d’autre part, en 1810, l’avortement est considéré comme un délit criminel passible d’une peine de prison. Ainsi, la prise en charge des abandons d’enfants sous le Ier Empire apparaît d’autant plus nécessaires que ces deux mesures ont pour conséquence une multiplication de ces-derniers.

à partir des années 1830, la présence de ces tours dans les hospices français suscite de vives polémiques. Ses défenseurs se réclament surtout des principes de la charité chrétienne, à l’instar d’Alphonse de Lamartine, qui les présente comme « une ingénieuse invention du christianisme […] qui a des mains pour recevoir, n’a pas d’yeux pour voir, point de bouche pour révéler« . Ses détracteurs critiquent quant à eux l’augmentation du nombre d’abandons concomitantte à la mise en place de ces tours : ainsi, le pays passe de 67 966 enfants abandonnés en 1814 à  99 346 enfants abandonnés en 1818.

Le nombre d’abandons d’enfants à la naissance diminuera de façon constante tout au long du XXème siècle, et ce d’une manière encore plus significative avec la mise en place des allocations familiales en 1932, l’essor de la contraception autorisée par la loi Neuwirth en 1967, et enfin la légalisation de l’avortement par la loi Veil en 1975.

 *

Collier-d'enfant-abandonné-archivesCollier d'enfant abandonné (archives.aisne)*

https://archives.aisne.fr/documents-du-mois/document-collier-d-un-enfant-abandonne-25/n:85

Depuis 1817, chaque enfant de moins de 2 ans placé en nourrice est porteur d’un collier destiné à l’identifier. Il s’agit d’un collier de perles en simili-ambre ou en ivoire avec une médaille à l’effigie de Marianne et au dos de celle-ci, le matricule de l’enfant ainsi que le département de l’Assistance publique dont il dépend. Ce moyen d’identification a été institué pour éviter qu’un enfant placé chez une nourrice puis décédé soit remplacé par un autre et que la nourrice continue de percevoir sa pension.

Extrait de http://archives.cg37.fr/UploadFile/GED/X/1395676064.pdf

Période antérieure à 1940

Avant la Révolution, les enfants trouvés et abandonnés sont pris en charge par les œuvres et les hospices de charité religieuse, ou encore par le pouvoir seigneurial, sans aucune intervention des pouvoirs publics. Cette aide, appelée à l’époque « charité », est exclusivement d’ordre privé ou religieux.

A la Révolution, de 1789 à 1799.

- En 1793 et en l’an II de la République (1794), à l’époque dite de la « Terreur », la loi du 28 juin 1793 laïcise les secours par la prise en charge des enfants par la République. Avec la loi du 4 juillet 1793, ils sont appelés « Enfants naturels de la Patrie ». Ils seront appelés ensuite « orphelins de la Patrie ». Pour bénéficier d’une aide publique, les mères célibataires doivent faire une déclaration de grossesse auprès des juges de paix officiant dans chaque canton. Mais cela n’empêche pas les abandons. Ces enfants abandonnés continuent à être confiés aux hospices civils mais légalement, ils dépendent de l’administration départementale, c’est-à-dire des préfets. Les préfets exercent donc la tutelle administrative.

Les hospices les prennent toujours en charge. Les biens de ces établissements ayant été déclarés biens nationaux et confisqués par la loi du 23 messidor an II (20 juillet 1794) au profit de la République, les hospices n’ont plus les moyens de subvenir à toutes leurs dépenses et les enfants survivent tant bien que mal. Si l’enfant est trouvé dans un lieu public, un procès-verbal de « découverte » doit être rédigé par un représentant de l’ordre public. Lorsqu’il est déposé dans un « tour d’hospice », il est déclaré « abandonné ». Ces « tours » recevaient les enfants déposés « côté rue » et, par un système de rotation, ces enfants se retrouvaient « côté hospice », ceci afin de préserver l’anonymat des personnesdéposantes.

Dans le cas d’exposition hors hospice ou abandon dans un tour, une déclaration de naissance doit être faite dans les registres d’état civil propres aux hospices. Ces déclarations sont ensuite transmises en mairie. - Sous le Directoire, de l’an IV à l’an VIII (1795-1799), la loi du 27 frimaire an V (17 décembre 1796) prescrit l’accueil gratuit dans tous les hospices civils des nouveaux-nés abandonnés qui reprennent le nom « d’enfants trouvés ou abandonnés ». La tutelle des enfants est assurée désormais par « le président de l’administration municipale » où se trouvent les hospices dépositaires, c’est à dire par les maires qui président parfois les commissions administratives des hospices.

Le Trésor national (ancêtre du Trésor public) assure une partie des dépenses des hospices dont les budgets ne peuvent assumer ces frais supplémentaires. Toujours sous le Directoire, l’arrêté du 30 ventôse an V (20 mars 1797), affirme que l’hospice ne peut être qu’un dépôt intermédiaire pour les nouveau-nés ou les enfants plus âgés et qu’ils doivent obligatoirement être placés en nourrice ou chez un particulier, de préférence à la campagne, avec déclaration obligatoire en mairie.

Sous le 1er Empire [an XIII (1804)-1814].

- La loi du 15 pluviôse an XIII (4 février 1805) réaffirme l’exercice de la tutelle des enfants par les maires des communes où se situent les hospices dépositaires. - Le Code civil publié en 1805 légalise la tutelle officieuse des enfants abandonnés ou non de moins de 15 ans par des particuliers, avec possibilité d’adoption à sa majorité. Les prérogatives imposées au tuteur sont très contraignantes ; ce type d’opération ne sera donc pas très fréquent.

- Le décret impérial du 19 janvier 1811 institue plusieurs éléments déterminants pour nos recherches :

- Il rend officielle et obligatoire la création d’un service préfectoral dédié à l’aide aux enfants abandonnés et trouvés appelé « service des enfants abandonnés et trouvés ».

- Il confie désormais aux établissements hospitaliers, l’exercice de la tutelle, assurée par les commissions administratives. L’un des membres des commissions administratives fait office de tuteur et les autres membres constituent le conseil de famille.

- Il augmente et définit de façon plus claire les différentes catégories d’enfants : il y a les enfants trouvés, les enfants abandonnés et les orphelins de familles pauvres. Mais ils forment tous ce que l’on appellera désormais « les pupilles de l’Etat », à ne pas confondre avec les « pupilles de la Nation », enfants de soldats morts ou blessés lors de la 1ère Guerre mondiale, secourus depuis la loi du 27 juillet 1917. Désormais, un seul hospice par arrondissement est autorisé à être dépositaire de ces enfants. Au cours du temps, dans la pratique, il n’y eut plus qu’un seul hospice dépositaire dans certains départements.

Ces hospices dépositaires doivent être obligatoirement munis d’un « tour » pour recevoir les enfants abandonnés, tours qui existaient déjà sous l’Ancien Régime et dont je vous ai parlé plus haut. Les frais d’entretien, de soins et de nourriture sont toujours à la charge des hospices, compensés en partie par des subventions des services départementaux des enfants trouvés et abandonnés nouvellement créés. Lorsque les enfants grandissent, certains hospices font appel aux municipalités dont sont originaires ces enfants, en invoquant la notion de « domicile de secours » qui oblige ces municipalités à une participation financière.

Le placement systématique, de préférence en campagne, chez des nourrices pour les nourrissons ou chez des particuliers pour les enfants de plus de 12 ans, est réaffirmé. Ces placements chez particuliers se font « à forfait » ou « à gages ». Les hospices ne doivent être que des lieux de dépôt préalables à ces placements. Ils doivent aussi tenir des registres où figurent les procès-verbaux d’abandon pour les enfants abandonnés où sont mentionnés notamment des renseignements sur leur filiation, s’ils en ont connaissance. Dans le cas d’enfants trouvés, trois prénoms, dont le dernier fait office de patronyme, sont attribués aux enfants. Figurent également dans ces registres, le nom de la nourrice et la date du décès éventuel de l’enfant.

Sous la Restauration et la Monarchie de juillet (1815-1848).

Pas de changement notoire. Les mêmes séries d’archives présentées précédemment sont à consulter. Sous la IIème République (1848-1851). La loi du 10 janvier 1849 crée l’Assistance publique. C’est désormais un service de l’Etat déconcentré dans chaque département qui prend en charge toutes les actions en faveur de l’aide sociale et médicale de la population, dont les enfants abandonnés. Le pouvoir central coordonne désormais l’action des hospices dépositaires d’enfants des départements. Les pupilles de l’Etat deviennent « pupilles de l’Assistance publique ».

Sous le Second Empire (1852-1870)

La loi du 5 mai 1869 insiste sur la prise en charge d’une partie des frais d’entretien de ces enfants par :

- l’Etat à travers les services consacrés à ces actions appelés désormais « services des enfants assistés » travaillant en collaboration avec les services de l’Assistance publique des préfectures.

- Les Conseils généraux qui sont libérés juridiquement de leurs obligations financières mais la plupart d’entre eux se sentent tenus moralement de poursuivre leur aide.

- Enfin, les communes, depuis la loi du 18 juillet 1837 et la circulaire du ministère de l’Intérieur du 21 août 1839, qui doivent verser aux hospices dépositaires leur contingent de subventions fixé par les conseils généraux.

La loi de 1869 conserve la tutelle des enfants aux commissions administratives des hospices mais les inspecteurs départementaux des enfants assistés leur prêtent dorénavant leurs compétences. Enfin, à partir de cette date, les services des enfants assistés doivent obligatoirement constituer un dossier individuel pour chaque pupille de l’Etat. Ces dossiers mentionnent l’état civil et la filiation de l’enfant, si la personne déposante a fourni ces renseignements, le suivi de l’enfant jusqu’à la fin de la tutelle, c’est-à-dire ses différents placements, apprentissages, scolarisation et comportement général.

Sous la IIIème République (1870-1940)

Les lois des 27 et 28 juin 1904 réunissent, dans un souci de cohérence et d’efficacité, toutes les dispositions éparses édictées durant le XIXème siècle, concernant l’ensemble des enfants assistés. Cette expression d’« enfants assistés » est assez ambigüe car depuis la loi de 1849 désignant l’ensemble de l’aide publique à l’ensemble de la population, les enfants assistés sont à la fois les enfants sous l’autorité tutélaire de l’État mais également, les 11 enfants secourus temporairement. Jusqu’ici, nous n’avons pas évoqué cette catégorie d’enfants car elle n’entre pas strictement dans notre recherche. Je les mentionne cependant dans la mesure où certains documents concernent tous les enfants assistés, qu’ils soient abandonnés ou non. Les secours bénéficient donc à deux sortes d’enfants assistés : Il y a les enfants mis sous la protection de l’État ; ils bénéficient de la « protection des enfants du 1er âge » instituée par la loi dite « Roussel » de 1874, du nom du promoteur de cette loi. Sont aussi concernés les enfants de détenus ou de mères ou parents hospitalisés et qui sont hébergés temporairement en hospices. D’autre part, il y a les enfants placés sous la tutelle de l’État appelés « pupilles de l’Etat » depuis 1811 puis « pupilles de l’Assistance publique » à partir de 1849, avec la création du service de l’ « Assistance publique » évoquée plus haut.

L’appellation « Pupilles de l’Etat » sera de nouveau employé à partir de la loi du 15 avril 1943. Ces pupilles sont les enfants abandonnés, les enfants trouvés, les orphelins de familles pauvres et les enfants abandonnés physiquement ou moralement, que les parents aient été déchus ou non de leurs droits parentaux. Nous continuerons à nous intéresser seulement aux enfants abandonnés et trouvés.

Les lois de 1904 pérennisent les lois antérieures sauf sur les points suivants :

- La tutelle des pupilles de l’Assistance Publique est définitivement retirée aux commissions administratives des hospices. Elle est désormais confiée aux préfets, avec délégation de pouvoir à l’Inspecteur départemental de l’Assistance publique. Les sous-inspecteurs et commis d’inspection effectuent des tournées de contrôle des nourrices et de l’ensemble des enfants assistés placés (enfants protégés et pupilles de l’A.P.). Ils rédigent à cette occasion, des rapports d’inspection pour chaque enfant.

- Les « tours » d’hospice sont définitivement supprimés et l’accueil se fait désormais à « bureau ouvert ». La prise en charge des enfants se fait donc immédiatement après leur abandon. Dans ce cas-là aussi, la mère ou l’accompagnateur de l’enfant n’est pas tenu de dévoiler son identité ; le secret filial est donc toujours sauvegardé si les déposants le désirent. Rappelons que le tuteur administratif des pupilles a aussi pouvoir sur leurs biens éventuellement laissés aux hospices par la mère ou les parents lors de l’abandon et sur les revenus gagnés lors des placements à forfait ou à gages. Ces revenus sont appelés « deniers pupillaires », remis aux pupilles lorsque la tutelle administrative est levée à l’occasion de sa majorité ou de son mariage.

On peut aussi évoquer ici les différentes lois sur l’adoption car un enfant adopté peut également avoir été abandonné sans indication de patronyme. Se pose donc là aussi la question de sa filiation. Mais ce changement de nom n’intervient pas dans tous les types d’adoption. Cette notion [l’adoption] a d’ailleurs énormément évolué au fil du temps aussi est-il peut-être nécessaire de vous présenter très brièvement les différents types d’adoption, définitions que vous pouvez retrouver dans le glossaire. On constate ainsi qu’un vide juridique existe jusqu’en 1939 en ce qui concerne les modalités de déclaration et de transcription des tutelles officieuses et adoptions ordinaires au bénéfice d’un mineur ou d’un majeur.

En effet, depuis le code civil dit « napoléonien » de 1804*, ces deux prises en charge débutaient, par défaut de réglementation, soit par une déclaration devant notaire, soit devant un juge de paix. Dans les deux cas, l’acte 12 rédigé devait être ensuite homologué par les tribunaux civils de 1ère Instance, en Chambre du conseil.

Le décret-loi du 29 juillet 1939 qui crée, le code civil de la famille, va, dans ce domaine, fixer légalement ces démarches.En effet, ce code, qui autorise désormais les adoptions « définitives » d’enfants mineurs, prescrit une simple requête de la part du couple candidat à l’adoption directement auprès des tribunaux civils de grande instance. Comme par le passé, c’est la Chambre du conseil qui autorisera ou non ce type d’adoption qu’on n’appellera pas encore « adoption plénière » mais « légitimation adoptive ». Outre cette simplification, ce qui est radicalement nouveau dans cette loi, c’est la rupture totale des liens filiaux entre la famille d’origine et l’adopté et le fait que celui-ci prenne le patronyme de l’adoptant.

*Vikidia.org: Le Code civil ou Code Napoléon, regroupe les lois relatives au droit civil.Il a été promulgué le 21 mars 1804 (30 ventôse an XII), par Napoléon Bonaparte sous le nom de Code civil des Français, il prend le nom de Code Napoléon en 1807.

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